
PORSCHE Taycan 2020
Performances éclatantes pour la première voiture électrique de Porsche
L'essentiel à retenir
Points positifs
- Performances éclatantes
- Tenue de route remarquable
- Direction et freinage exemplaires
- Position de conduite impeccable
- Finition minutieuse
- Confort étonnant
Points négatifs
- Prix indécent du véhicule et des options
- Autonomie relativement faible
- Visibilité médiocre
- Commandes tactiles irritantes
- Places arrière étriquées
Survol
La mention Turbo S s’affiche fièrement à l’arrière de notre Porsche Taycan d’essai. Pourtant, lorsqu’on appuie sur le bouton de démarrage, on n’entend rien. Normal: la toute première voiture 100% électrique de Porsche n’a évidemment pas de moteur à combustion, encore moins de turbocompresseur. Qu’à cela ne tienne, les 761 chevaux qui veillent au grain justifient amplement l’emploi de ce suffixe, qui désigne certaines des créations les plus sportives de la célèbre marque germanique.
Cette version Turbo S trône au sommet de la gamme Porsche Taycan, qui comprend aussi les déclinaisons 4S et Turbo. Tous les modèles comportent un moteur électrique par essieu, ce qui les munit de facto d’un rouage intégral. Leur transmission à deux vitesses constitue actuellement une exclusivité parmi les véhicules électriques. Une batterie de 93,4 kWh alimente cette motorisation; éventuellement, Porsche prévoit offrir une batterie de plus petite capacité pour la 4S, ce qui fera diminuer le prix d’entrée réel de la Taycan.
En août 2020, ce dernier se situait à 131 360$ (batterie Performance Plus, toit panoramique et câble Porsche Mobile Charger Connect compris). Si ces trois caractéristiques n’étaient pas obligatoires, il serait théoriquement possible d’abaisser la facture à 120 900$. En réalité, les Porsche « toutes nues » se font très rares, et le volumineux catalogue d’options fait vite grimper la note.
Exemple probant : la Porsche Taycan Turbo S que nous avons conduite ne comprenait pas moins de 23 410$ d’options – le prix d’une berline Honda Civic automatique! – qui ont porté son étiquette à 238 810$. Qui a dit qu’il était interdit de rêver?
Verdict
Non, la Porsche Taycan Turbo S n’a pas l’autonomie d’une Tesla Model S, qui coûte beaucoup moins cher. Oui, la sonorité enivrante d’un six cylindres à plat de Porsche manque à l’appel. Mais le constructeur de Stuttgart n’a pas vendu son âme sportive pour passer à l’électrique, bien au contraire. Aussi gracieuse en virage que féroce en ligne droite, la Taycan devrait aussi faire profiter ses propriétaires de la bonne réputation de fiabilité de Porsche.
Évaluation
Carrosserie et habitacle
Silhouette en forme de goutte d’eau, phares globuleux, feux arrière émincés, jantes et pneus surdimensionnés, étriers de freins peints en jaune: on ne peut pas se tromper, la Taycan est une Porsche! La ressemblance avec la Panamera frappe, mais les deux modèles n’ont aucun panneau en commun. D’ailleurs, la Taycan concède 4 cm de hauteur, 5 cm d’empattement et 9 cm de longueur à sa «sœur». Ses dimensions se rapprochent davantage de celle d’une Tesla Model S, sa rivale principale.L’allemande est toutefois plus basse de 6 cm que l’américaine, et ça paraît dans l’habitacle, moins aéré et lumineux que celui de la Model S. Moins logeable également, surtout pour les pieds des occupants arrière. La Tesla conserve l’avantage pour l’espace de chargement, notamment grâce à sa carrosserie à hayon. Le coffre traditionnel de la Taycan ne peut rivaliser en polyvalence avec celui de sa concurrente, malgré la présence de dossiers arrière rabattables 60/40.
En revanche, les occupants avant sont traités aux petits oignons grâce aux sièges sport réglables en 18 sens. Ces sublimes baquets fournissent un soutien impeccable sans sacrifier le confort. La position de conduite basse rappelle celle de la Porsche 911, en un peu moins extrême; les amateurs de voitures sport en raffoleront, même si le volant cache le haut des cadrans pour certaines personnes.
La finition méticuleuse et la grande qualité des matériaux n’ont d’égales que la clarté et la rapidité des affichages numériques. Celui qui fait face au conducteur innove par sa surface incurvée, tandis que l’écran tactile peut être dédoublé devant le passager – moyennant supplément (1280$), bien entendu. Un troisième écran regroupe toutes les commandes liées à la climatisation et à la conduite, de sorte que les seuls boutons physiques se trouvent sur le volant et les portières.
Cela accentue l’atmosphère technologique de la cabine, mais le conducteur aura fort à faire pour s’y retrouver, du moins au début. Devoir presque tout contrôler avec des touches tactiles – y compris l’orientation des bouches de ventilation! – oblige à quitter la route des yeux à la moindre interaction. L’étiquetage cryptique des boutons sur le volant et la logique inhabituelle de l’instrumentation nécessitent aussi une adaptation. L’avalanche de boutons sur la console des Porsche de précédente génération paraît tout à coup moins rebutante!
Sécurité
Que diriez-vous de payer 1090$ pour ajouter un système de surveillance des angles morts à votre Taycan de 131 000$, tandis que votre belle-sœur l’a obtenue sans frais dans son Kia Seltos de 25 000$? Bienvenue dans le merveilleux monde des marques germaniques de prestige. Tout au moins, Porsche livre de série le freinage automatique d’urgence (FAU), l’alerte de sortie de voie et le système de suivi de voie.Le régulateur de vitesse adaptatif demeure également optionnel dans toute la gamme, de même que l’assistance à l’évitement de collision (qui accentue le braquage si nécessaire), la détection des véhicules en sens inverse lors d’un virage à gauche et l’arrêt d’urgence si le conducteur ne réagit pas à la circulation.
Rappelons que tous ces dispositifs ne remplacent pas la vigilance du conducteur, qu’ils peuvent faillir à la tâche et qu’ils ne s’entendent pas très bien avec nos hivers rigoureux. Les bénéfices du FAU pour la sécurité ne font toutefois aucun doute, comme l’ont notamment prouvé des études de l’Insurance Institute for Highway Safety et Consumer Reports.
Aucune agence nord-américaine n’a évalué la protection contre l’impact de la Taycan, mais l’association Euro NCAP lui a décerné la note maximale de 5/5 après une batterie de tests sévères.
Mécanique
La Porsche Taycan est la première d’une série de voitures qui utiliseront la nouvelle plateforme J1 de Porsche. Conçue exclusivement pour des modèles 100% électriques, celle-ci combine plusieurs variétés de métaux qui marient haute résistance à l’impact et (relative) légèreté. Par exemple, le pourtour de la cabine se compose d’acier pressé à chaud alors que les panneaux de carrosserie sont en aluminium. Le boîtier de la batterie de traction, située sous le plancher, fait d’ailleurs partie intégrante de la structure de l’auto.Cœur du groupe motopropulseur, cette batterie affiche une capacité de 93,4 kWh; selon Ressources naturelles Canada, elle confère une autonomie de 323 km à la version Turbo. À titre de comparaison, une Tesla Model S Performance munie de jantes de 21 pouces – comme la Taycan Turbo S de notre essai – peut tirer jusqu’à 525 km de sa batterie de 100 kWh. La Model S Long Range Plus augmente la mise à 647 km en conservant la même batterie!
La Porsche fait au moins jeu égal avec la Tesla au moment de la recharge, du moins en théorie. Le système électrique à haute tension de 800 volts permet de regagner 100 km en 5 minutes 30 secondes… à condition de brancher l’auto à une borne d’au moins 270 kW. En août 2020, seul le réseau Electrify Canada proposait des bornes publiques universelles de plus de 150 kW, dans sept sites situés en Ontario et en Colombie-Britannique. L’entreprise planifiait toutefois d’ajouter six stations au Québec dans un avenir proche. Les Superchargers de Tesla sont un brin plus lents sur papier, mais le constructeur en a déjà installé un vaste réseau partout en Amérique du Nord.
Avec une borne rapide à 50 kW, comme celles du Circuit électrique et de FLO, ajouter 100 km d’autonomie prend 31 minutes dans les conditions idéales. Une recharge domestique requiert 10 heures selon Ressources naturelles Canada. Note importante: des facteurs comme l’installation électrique domestique et les conditions climatiques peuvent faire augmenter toutes ces durées potentielles.
On assiste presque à un match nul entre les deux rivales en matière de puissance. Vrai, la Taycan Turbo S s’incline par 17 chevaux et par 0,3 seconde au sprint de 0 à 100 km/h, du moins selon les chiffres des constructeurs. Les 761 chevaux permettent tout de même de rallier 100 km/h en 2,8 minuscules secondes… bien malin qui pourrait constater l’écart sans chronomètre.
La fonction de départ canon s’impose pour obtenir l’accélération maximale, mais les performances demeurent phénoménales dans chacun des cinq modes de conduite, tous accessibles par une molette sur le volant. Il faut dire qu’un rouage intégral permanent plaque la puissance au sol grâce à la présence d’un moteur électrique par essieu.
D’ailleurs, la Porsche Taycan est la première voiture électrique de production à être munie d’une boîte de vitesses à deux rapports. Cette transmission, conçue par le spécialiste ZF, agit sur le moteur arrière pour favoriser à la fois l’accélération initiale et les performances à plus haute vitesse.
Une telle innovation accentue le caractère sportif de la conduite, tout comme la ribambelle de dispositifs électroniques et mécaniques qu’a fait migrer Porsche de ses autres séries vers la Taycan. Suspension pneumatique adaptative, vecteur de couple à l’arrière, direction à assistance variable, roues arrière directrices, freins en alliage de carbone et céramique: la version Turbo S arrive avec toute cette quincaillerie sans frais supplémentaires.
Notre modèle d’essai comprenait aussi des barres stabilisatrices actives antiroulis vendues 4090$. La Turbo propose une partie de ces systèmes en équipement de série, d’autres moyennant supplément; dans la 4S «de base», ils gonflent la facture de plus de 18 000$ si on les retient tous.
Impressions de conduite
Le prix de n’importe quelle Porsche aurait de quoi défriser plus d’un intéressé. Mais quand on en conduit une, on comprend où le constructeur met une partie des dollars exigés. Le cuir rouge exquis de notre Taycan Turbo S d’essai en mettait plein la vue, mais c’est sur la route que le souci du détail s’affiche le plus brillamment.Qu’est-ce qui frappe en premier? Les formidables accélérations, bien sûr. Comme tout véhicule électrique, la Taycan réagit instantanément dès qu’on appuie sur la pédale de droite. Mais lorsque 761 chevaux s’élancent tous en même temps, à pleine vapeur, la poussée est phénoménale. Même quand on se passe du mode départ canon, l’électronique libère tout de même 625 chevaux qui mettent à peine 3 secondes pour propulser l’auto à 100 km/h.
À l’inverse, les freins en carbone-céramique immobilisent la Turbo S en moins de temps qu’il faut pour dire « stop », de manière parfaitement sécuritaire et rectiligne. Leur composition particulière assure qu’ils pourront répéter l’exploit sans s’échauffer ni perdre de leur efficacité. Porsche a volontairement choisi de limiter le ralentissement que procure la récupération d’énergie afin de favoriser une expérience de conduite plus traditionnelle. Qu’on aime ou non cette approche, force est d’admettre que la transition entre le système régénératif et les freins mécaniques se révèle imperceptible.
Évidemment, on ne conduit pas seulement en ligne droite… et lorsque les virages se pointent, la Taycan n’en fait qu’une bouchée. La tenue de route n’est rien de moins que sensationnelle pour une voiture de plus de 2200 kg – c’est le poids d’un VUS intermédiaire! Une partie du secret se trouve sous la cabine, où loge la lourde batterie de traction; son positionnement abaisse le centre le gravité de l’auto.
Mais il y a plus. La direction affiche une précision chirurgicale, doublée d’une réelle sensation du contact des pneus avec la chaussée. Les nombreux systèmes d’amélioration de la maniabilité travaillent en toute transparence pour rendre le guidage extrêmement sûr et gratifiant. Malgré sa puissance exceptionnelle, la Taycan se montre donc facile à conduire tant à basse vitesse, en ville, qu’à un rythme plus soutenu, sur une route sinueuse.
Porsche a également réussi à maintenir un confort de roulement étonnant grâce à la suspension pneumatique. L’amortissement est ferme, mais il reste assez conciliant pour les longs trajets – dans les limites de l’autonomie affichée, bien entendu. Même les dispositifs d’assistance à la conduite agissent de manière plus souple que la moyenne, quoiqu’ils soient encore loin d’un bulletin sans faute. De toute façon, le plaisir de piloter soi-même la voiture donne plutôt envie de désactiver certains d'entre eux!
Outre l’absence de la trame sonore unique d’un six cylindres à plat de Porsche (que la sonorité artificielle optionnelle n’arrive pas à remplacer), la visibilité médiocre et l’autonomie relativement faible, conduire la Porsche Taycan Turbo S apporte bien peu de désagréments.