De la bourse des automobilistes à la bourse du carbone
Tout semble indiquer que nous verrons une fois de plus les prix à la pompe grimper à compter du 1er janvier prochain. Encore ? me direz-vous avec raison. Si certaines hausses sont parfois explicables en vertu du marché, celle dont je parle ici résulterait du déploiement d’une nouvelle phase de la bourse du carbone qui, selon bien des experts, s’avère prématurée. Si cela se produit, à compter du jour de l’An, les pétrolières devront participer à cette bourse et elles ont déjà annoncé leurs couleurs : elles entendent nous refiler la facture.
Les évaluations diffèrent, mais on évoque le plus souvent une augmentation d’au moins 3 ¢ le litre. En 2010, par exemple, il s’est vendu plus de 8,5 milliards de litres d’essence au Québec. Sur cette même base partiraient donc de la bourse des automobilistes plus de 257 millions de dollars pour la bourse du carbone. Considérant qu’un récent sondage réalisé auprès des membres CAA-Québec indiquait que 85,4 % des personnes interrogées ignoraient que l’inclusion des distributeurs de carburants et de combustibles à la bourse aurait cet impact, la surprise risque d’être grande !
Certes, cette bourse est un peu loin de nos réalités quotidiennes, même s’il s’agit d’une bonne idée à la base puisque, en vertu du principe pollueurpayeur, les entreprises les plus polluantes doivent acheter des crédits de carbone lorsqu’elles dépassent la limite fixée, dégageant ainsi des sommes considérables pour le financement de projets liés à la mobilité − qu’on pense aux transports collectifs. Une telle bourse existe ailleurs, avec un certain succès. Le problème ici, c’est que, actuellement, le Québec et la Californie sont les seuls participants. Or, de l’avis des experts, il faudrait plus de joueurs proches des conditions du marché québécois, géographiquement et économiquement. Si rien ne change, cela peut même défavoriser l’économie québécoise par rapport à celle de voisins comme l’Ontario. De nombreux intervenants ont signifié au gouvernement leur opposition non pas au principe de la bourse du carbone, mais plutôt aux risques économiques associés à son déploiement prématuré. Le gouvernement est resté sourd à ces avis, donnant plutôt l’impression qu’il lui importe surtout d’aller chercher une nouvelle « taxe » dans les poches des automobilistes. On se souvient encore de la redevance verte qui, en 2008, leur avait été carrément refilée.
CAA-Québec suit la situation de près. Au moment d’écrire ces lignes, aucun nouveau partenaire ne s'est encore signalé et aucun revirement n'est en vue. Pendant ce temps, notre litre d'essencedemeure le plus taxé au Canada...
Richard Lachance,
Président et chef de la direction